Un projet de décret autorise la commercialisation sans étiquetage de semences de maïs contenant jusqu'à 0,1% d'OGM. Un seuil qui ne garantirait pas le respect du seuil permettant d'obtenir la mention "sans OGM" pour les aliments.
"Le gouvernement vient d'envoyer pour avis à la Commission européenne un projet de décret autorisant la commercialisation sans aucun étiquetage de semences de maïs contenant jusqu'à 0,1% d'organismes génétiquement modifiés (OGM), alors qu'actuellement la règlementation européenne refuse la moindre contamination OGM des semences conventionnelles dès le seuil de détection", a indiqué mardi 17 avril la Confédération paysanne, déplorant un "nouveau coup de force du gouvernement pour obliger les français à produire et consommer des OGM contre leur gré".
Selon la Confédération et Inf'OGM, fixer le seuil de contamination des semences à 0,1% ne permet pas de garantir que les récoltes issues de ces semences puissent respecter le seuil de présence fortuite d'OGM fixé lui aussi à 0,1% par l'arrêté de janvier encadrant l'étiquetage "sans OGM".
Le projet de décret envoyé par la France le 13 février "[précise] le seuil prévu à l'article 21 de la loi française sur les OGM de 2008", c'est-à-dire le niveau au dessus duquel il est obligatoire d'étiqueter les lots de semences contenant des semences génétiquement modifiées et en deçà duquel aucune mention n'est indiquée.
Pas de garantie de récolte "sans OGM
Le texte envoyé à la Commission, qui fait l'objet d'une concertation entre les ministères de l'Ecologie, de l'Economie et de l'Agriculture, introduit un cadre général pour l'étiquetage des semences et précise en annexe les seuils applicables aux "traces accidentelles ou techniquement inévitables présentes". L'annexe propose un seuil pour le maïs, seule culture OGM autorisée en Europe. "Si les semences génétiquement modifiées trouvées ne sont pas autorisées commercialement, les lots ne pourront pas être commercialisés quelque soit la quantité en jeu", rappelle Inf'OGM.
Selon l'association, le seuil de 0,1% a été retenu en référence au décret du 31 janvier 2012 précisant les conditions d'affichage de la mention "sans OGM" pour les aliments et qui fixe le seuil de contamination à 0,1%. "Pour qu'il soit possible d'atteindre ce seuil [pour les aliments], la France ne pouvait donc pas fixer un seuil de contamination de semences supérieur à 0,1%", explique l'association, ajoutant qu'"elle aurait même dû, pour garantir ce seuil de 0,1% en sortie de champ, choisir un seuil inférieur pour les lots de semences".
"Les agriculteurs constatent régulièrement des taux de contaminations de leurs récoltes supérieurs à ceux des semences, même en l'absence de toute culture OGM à proximité de leurs champs", explique la Confédération paysanne, expliquant que "le taux d'OGM de semences contaminées s'additionnerait inévitablement aux contaminations des cultures non OGM par les cultures OGM voisines si elles étaient à nouveaux autorisées".
Elections en vue
Inf'OGM déplorent par ailleurs que l'élaboration des décrets relatifs à la loi sur les OGM de 2008 "[s'accélère] à quelques semaines des élections législatives", alors qu'ils sont "attendus depuis de nombreuses années". Et de rappeler la publication en janvier du décret sur l'étiquetage des aliments et la notification à la fin du même mois d'un projet d'arrêté précisant les règles de coexistence entre cultures génétiquement modifiées et cultures conventionnelles. Par ailleurs, Inf'OGM indique que "la Commission européenne [l'a] informé qu'il s'agit de la première notification, en provenance d'un Etat membre, de législation nationale concernant l'étiquetage des lots de semences".
Un avis partagé par la Confédération paysanne qui juge qu'"à la veille des élections, le gouvernement tente ainsi de satisfaire clandestinement les appétits de l'industrie semencière qui veut priver la population française de tout produit « sans OGM »".
Le syndicat agricole, appelle la Commission européenne "à refuser ce coup de force du gouvernement français destiné à rompre avec la sagesse de la réglementation européenne" et demande au prochain gouvernement de "respecter la volonté des français en refusant ce projet de décret". Il suggère que c'est l'une des seules façons d'amender le texte car "ni le Haut Conseil des biotechnologies, ni les agriculteurs, ni les consommateurs, n'ont été consultés ou informés de cette initiative".
Inf'OGM rappelle que la Commission européenne dispose de trois mois, soit jusqu'au 14 mai, "pour faire parvenir ses remarques à la France, pour que cette dernière revoie éventuellement sa copie". Quant à sa mise en œuvre, elle pourra intervenir après la mi-mai si la Commission ne fait aucune remarque.